[ Pobierz całość w formacie PDF ]

quide, dont la North Polar Practical Association a fait
l acquisition, et qui, maintenant, appartient aux États-Unis,
sans qu aucune Puissance européenne y puisse jamais préten-
dre ! »
Murmure au bancs des délégués du vieux Monde.
« Bah !& Un trou plein d eau& une cuvette& que vous
n êtes pas capables de vider ! » s écria de nouveau Dean Too-
drink.
Et il eut l approbation bruyante de ses collègues.
 92 
« Non, monsieur, répondit vivement le président Barbi-
cane. Il y a là un continent, un plateau qui s élève peut-être
comme le désert de Gobi dans l Asie Centrale à trois ou quatre
kilomètres au-dessus du niveau de la mer. Et cela a pu être faci-
lement et logiquement déduit des observations faites sur les
contrées limitrophes, dont le domaine polaire n est que le pro-
longement. Ainsi, pendant leurs explorations, Nordenskiöld,
Peary, Maaigaard, ont constaté que le Groënland va toujours en
montant dans la direction du nord. À cent soixante kilomètres
vers l intérieur, en partant de l île Diskö, son altitude est déjà de
deux mille trois cents mètres. Or, en tenant compte de ces ob-
servations, des différents produits, animaux ou végétaux, trou-
vés dans leurs carapaces de glaces séculaires, tels que carcasses
de mastodontes, défenses et dents d ivoire, troncs de conifères,
on peut affirmer que ce continent fut autrefois une terre fertile,
habitée par des animaux certainement, par des hommes peut-
être. Là furent ensevelies les épaisses forêts des époques préhis-
toriques, qui ont formé les gisements de houille dont nous sau-
rons poursuivre l exploitation ! Oui ! c est un continent qui
s étend autour du Pôle, un continent vierge de toute empreinte
humaine, et sur lequel nous irons planter le pavillon des États-
Unis d Amérique ! »
Tonnerre d applaudissements.
Lorsque les derniers roulements se furent éteints dans les
lointaines perspectives d Union-square, on entendit glapir la
voix cassante du major Donellan. Il disait :
« Voilà déjà sept minutes d écoulées sur les dix qui de-
vaient nous suffire pour atteindre le Pôle ?&
 Nous y serons dans trois minutes, » répondit froidement
le président Barbicane.
Il reprit :
 93 
« Mais, si c est un continent qui constitue notre nouvel
immeuble, et si ce continent est surélevé, comme nous avons
lieu de le croire, il n en est pas moins obstrué par les glaces
éternelles, recouvert d ice-bergs et d ice-fields, et dans des
conditions où l exploitation en serait difficile&
 Impossible ! dit Jan Harald, qui souligna cette affirma-
tion d un grand geste.
 Impossible, je le veux bien, répondit Impey Barbicane.
Aussi, est-ce à vaincre cette impossibilité qu ont tendu nos ef-
forts. Non seulement, nous n aurons plus besoin de navires ni
de traîneaux pour aller au Pôle ; mais, grâce à nos procédés, la
fusion des glaces, anciennes ou nouvelles, s opérera comme par
enchantement, et sans que cela nous coûte ni un dollar de notre
capital, ni une minute de notre travail ! »
Ici un silence absolu. On touchait au moment « chicologi-
que », suivant l élégante expression que murmura Dean Too-
drink à l oreille de Jacques Jansen.
« Messieurs, reprit le président du Gun-Club, Archimède
ne demandait qu un point d appui pour soulever le monde. Eh
bien ! ce point d appui, nous l avons trouvé. Un levier devait
suffire au grand géomètre de Syracuse, et ce levier nous le pos-
sédons. Nous sommes donc on mesure de déplacer le Pôle&
 Déplacer le Pôle !& s écria Éric Baldenak.
 L amener en Amérique !& » s écria Jan Harald.
Sans doute, le président Barbicane ne voulait pas encore
préciser, car il continua, disant :
« Quant à ce point d appui&
 94 
 Ne le dites pas !& Ne le dites pas ! s écria un des assis-
tants d une voix formidable.
 Quant à ce levier&
 Gardez le secret !& Gardez-le !& s écria la majorité des
spectateurs.
 Nous le garderons ! », répondit le président Barbicane.
Et si les délégués européens furent dépités de cette ré-
ponse, on peut le croire. Mais, malgré leurs réclamations,
l orateur ne voulut rien faire connaître de ses procédés. Il se
contenta d ajouter :
« Pour ce qui est des résultats du travail mécanique travail
sans précédent dans les annales industrielles que nous allons
entreprendre et mener à bonne fin, grâce au concours de vos
capitaux, je vais vous en donner immédiatement communica-
tion.
 Écoutez !& Écoutez ! »
Et, si on écouta !
« Tout d abord, reprit le président Barbicane, l idée pre-
mière de notre Suvre revient à l un de nos plus savants, dévoués
et illustres collègues. À lui aussi, la gloire d avoir établi les cal-
culs qui permettent de faire passer cette idée de la théorie à la
pratique, car, si l exploitation des houillères arctiques n est
qu un jeu, déplacer le Pôle était un problème que la mécanique
supérieure pouvait seule résoudre. Voilà pourquoi nous nous
sommes adressés à l honorable secrétaire du Gun-Club, J.-T.
Maston !
 95 
 Hurrah !& Hip !& hip !& hip ! pour J.-T. Maston ! » cria
tout l auditoire, électrisé par la présence de cet éminent et
extraordinaire personnage.
Ah ! combien Mrs Evangélina Scorbitt fut émue des accla-
mations qui éclatèrent autour du célèbre calculateur, et à quel
point son cSur en fut délicieusement remué !
Lui, modestement, se contenta de balancer doucement la
tête à droite, puis à gauche, et de saluer du bout de son crochet
l enthousiaste assistance.
« Déjà, chers souscripteurs, reprit le président Barbicane,
lors du grand meeting qui célébra l arrivée du Français Michel
Ardan en Amérique, quelques mois avant notre départ pour la
Lune& »
Et ce Yankee parlait aussi simplement de ce voyage que s il
eût été de Baltimore à New-York !
« & J.-T. Maston s était écrié : "Inventons des machines,
trouvons un point d appui et redressons l axe de la Terre !" Eh
bien, vous tous qui m écoutez, sachez-le donc !& Les machines
sont inventées, le point d appui est trouvé, et c est au redresse-
ment de l axe terrestre que nous allons appliquer nos efforts ! »
Ici, quelques minutes d une stupéfaction qui, en France, se
fût traduite par cette expression populaire mais juste : « Elle est
raide, celle-là ! »
« Quoi !& Vous avez la prétention de redresser l axe ?
s écria le major Donellan.
 Oui, monsieur, répondit le président Barbicane, ou, plu-
tôt, nous avons le moyen d en créer un nouveau, sur lequel
s accomplira désormais la rotation diurne&
 96 
 Modifier la rotation diurne !& répéta le colonel Karkof,
dont les yeux jetaient des éclairs.
 Absolument, et sans toucher à sa durée ! répondit le pré-
sident Barbicane. Cette opération reportera le Pôle actuel à peu
près sur le soixante-septième parallèle, et, dans ces conditions,
la Terre se comportera comme la planète Jupiter, dont l axe est
presque perpendiculaire au plan de son orbite. Or, ce déplace-
ment de vingt-trois degrés vingt-huit minutes suffira pour que
notre immeuble polaire reçoive une quantité de chaleur suffi-
sant à fondre les glaces accumulées depuis des milliers de siè-
cles ! »
L auditoire était haletant. Personne ne songeait à inter-
rompre l orateur pas même à l applaudir. Tous étaient subju-
gués par cette idée à la fois si ingénieuse et si simple : modifier
l axe sur lequel se meut le sphéroïde terrestre.
Quant aux délégués européens, ils étaient simplement aba-
sourdis, aplatis, annihilés, et ils restaient bouche close, au der-
nier degré de l ahurissement.
Mais les applaudissements éclatèrent à tout rompre, lors-
que le président Barbicane acheva son discours par cette
conclusion sublime dans sa simplicité :
« Donc, c est le Soleil lui-même qui se chargera de fondre
les ice-bergs et les banquises, et de rendre facile l accès du Pôle
nord !
 Ainsi, demanda le major Donellan, puisque l homme ne
peut aller au Pôle, c est le Pôle qui viendra à lui ?&
 Comme vous dites ! » répliqua le président Barbicane.
 97 
VIII
« Comme dans Jupiter ? » a dit le président du
Gun-Club.
Oui ! Comme dans Jupiter. [ Pobierz całość w formacie PDF ]
  • zanotowane.pl
  • doc.pisz.pl
  • pdf.pisz.pl
  • rafalstec.xlx.pl